Martinès de Pasqually (1727-1774)
par S. Deusi
Nul ne peut se vanter d’avoir percé les véritables secrets de cet étrange personnage que fut Martinès de Pasqually.
Acôté des philosophes et des encyclopédistes qui illustrèrent ce 18e siècle français que l’on appellera plus tard le « Siècle des Lumières », apparurent çà et là quelques mystérieux individus qui, avec des fortunes diverses, colportèrent des concepts para-mystiques. Les cours européennes, toujours friandes d’ésotérisme mais peu aptes à faire le tri entre les charlatans et les ésotéristes sérieux, firent, d’une manière générale, bonne figure à ces individus qu’ils accueillaient chaleureusement et qu’ils utilisaient volontiers à des fins politiques et diplomatiques et auxquels il leur arriva même de confier des missions d’espionnage. On pense évidemment au fameux chevalier (chevalière !) d’Éon, agent secret de Louis XV, ou encore au non moins fameux comte de Saint-Germain. Mais, il y en eut bien d’autres dont l’histoire n’a pas retenu les noms et les exploits.
Ces personnages pour le moins équivoques frayèrent volontiers avec la franc-maçonnerie qui, dans son jeune âge, cherchait un enracinement avec, reconnaissons-le, une certaine désinvolture.
Cependant, quelques figures se détachent de ce lot d’aventuriers ; au nombre de celles-ci, nous rencontrons justement Martinès de Pasqually, de son état-civil Jacques de Livron Joachim De La Tour De La Case qui serait, présume-t-on, né à Grenoble en 1727. On notera que sa biographie, au moins pour ce qui regarde ses quarante premières années, relève bien davantage de la présomption et de l’hypothèse que de la certitude historique. Nous ne connaissons avec certitude que son mariage en 1767 avec Marguerite Angélique de Collas qui lui donnera deux fils, dont le cadet, né en 1771, décédera en bas âge, et l’aîné, né en 1768, deviendra commissaire de police sous la Restauration. Celui-ci n’eut aucune activité, même modeste, dans le domaine de l’ésotérisme qui avait meublé presque exclusivement la vie de son père.
Franc-maçon (on ne possède aucune information certaine sur la date et les circonstances de sa réception dans l’Ordre), Martinès de Pasqually reste dans la mémoire des ésotéristes comme le fondateur de « l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers » lequel demeure comme un grand moment dans l’histoire de la Tradition occidentale. Constitué sur le schéma de l’ordre maçonnique en ce qui concerne la hiérarchie de ses membres, cet Ordre fera de nombreux adeptes et subsistera jusqu’à nos jours en dépit de nombreux obstacles et détours.
Basée sur la théurgie (qui n’a strictement rien à voir avec la magie), la pratique des Élus Coëns a pour destination de faire communier l’homme avec le plan divin dont il est originellement émané ou, si l’on préfère, d’effacer en lui le « péché originel » qui entraîna sa « Chute », telle qu’elle nous est rapportée, sous le voile de l’allégorie, dans la Genèse et, in fine, de le « réintégrer » en son état premier, c'est-à-dire « glorieux ».
Bien qu’il affichât un « certain mépris vis-à-vis de l’orthographe » (dixit Papus) et qu’il ne manipulât pas la langue française avec aisance, celle-ci n’étant sans doute pas sa langue maternelle, il signa un important ouvrage d’une lecture difficile et fastidieuse mais qui constitue cependant, depuis plus de deux siècles, une incontournable référence pour les chercheurs en ésotérisme. Le titre de cet ouvrage est éloquent et résume en une phrase son esprit. Le voici dans son intégralité : Traité de la Réintégration des Êtres dans leurs primitives propriétés, vertus et puissances spirituelles divines.
Au fil du temps et des rééditions successives, quelques variantes sont apparues dans ce titre sans en déformer fondamentalement l’esprit. L’usage veut cependant que, pour des raisons pratiques, on abrège ce titre en une formule lapidaire : Traité de la Réintégration.
La création et la chute de l’homme sont au centre des préoccupations de Martinès de Pasqually. C’est ce qu’avaient fort bien fait ressortir des membres d’un groupe martiniste marseillais en un article que nous avons publié dans le numéro 1 de 1992 et que nous republions à présent.
La carrière initiatique de Martinès de Pasqually fut courte. Elle fut abrégée par son départ à Saint-Domingue en 1772 et son décès survenu deux ans plus tard.
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