Jean-Baptiste Willermoz - 9 Cahiers de Doctrine - Cahier numéro 2
Réponse à la 1ère question du frère Lajard de Montpellier du 22 mars 1818, sur l’éternité des peines
Il est bien difficile, mon B. A. F. de répondre sommairement à vos deux questions du 22 mars. La première surtout, concernant l'éternité des peines, exigerait de longs développements auxquels je ne peux pas me livrer par écrit ; ne voulant pas cependant vous laisser sans réponse sur un objet si capital, je vais vous présenter quelques aperçus qui, j'espère, calmeront les inquiétudes de nos FF.: nouveaux G. P.
Il y a plusieurs Éternités
Les hommes ne peuvent guère s'accorder sur la valeur du mot Éternité parce que, en général, ils n'en voient qu'une et cependant il y en a plus d'une. Peut-on par exemple confondre l'Éternité infinie de Dieu, qui n'a ni commencement ni fin, que Dieu seul connaît et peut définir, avec l'Éternité temporelle qui a commencé avec la loi du temps lors de la création de l'Univers, dont la première période jusqu'à la dissolution de l'univers avait été accordée aux premiers coupables comme moyen de retour s'ils voulaient en profiter ; mais que leur second crime, qui est la séduction et la chute de l'homme qu'ils entraînèrent dans l'abîme en haine du créateur a rendu complètement inutile pour eux, et que la divine miséricorde a rendu réversible sur l'homme même devenu coupable et déchu, et sur toute sa postérité. Peut-on non plus la comparer avec d'autres éternités temporelles qui pourront, suivant les desseins de la justice et de la miséricorde, succéder indéfiniment au temps présent lorsque la loi et la durée de celui-ci seront accomplies ? Saint Jean ne voit-il pas son chapitre 21 de l'Apocalypse naître et former de nouveaux cieux et une nouvelle terre, les premiers ayant totalement disparu ? Voilà bien certainement un nouvel ordre de choses, un nouveau temps, une nouvelle Éternité qui commence. Gardons-nous, par un respect outré pour des expressions consignées dans les livres saints, qui peuvent avoir plusieurs sens, d'être plus sévères que la justice même de Dieu ; car l'intelligence répugne irrésistiblement à penser que le père créateur de tous les êtres, qui les aime tous de l'amour le plus tendre, qui ne les a émanés de son sein que pour les rendre tous éternellement heureux, veuille condamner ceux de ses enfants, que l'orgueil pourra rendre ingrats et rebelles, à être éternellement séparés de lui, à le haïr, à le maudire éternellement, sans que sa miséricorde leur ait laissé à jamais aucun moyen de réparation par leur repentir. Non : on le dit, on le répète, on s'efforce de le croire par obéissance à certaines définitions, mais on ne peut le penser sincèrement et d'une manière absolue, tant le contraste est grand avec le sentiment inné et si profondément gravé en nous de la bonté infinie de Dieu.
La justice divine est infinie, comme la miséricorde divine
Disons donc sans crainte de nous tromper, ce qui doit en même temps concilier toutes les opinions, que Dieu étant souverainement bon et juste, sa justice infinie doit s'exercer infailliblement sur tous les coupables dans une juste proportion de leur culpabilité tant que le mal et le moindre vestige du mal existera, quelle que soit la durée de l'existence du mal. Mais disons aussi que la miséricorde de Dieu étant aussi infinie, elle doit agir et agira par les voies et les moyens que son amour et sa justice jugeront propres à remplir son but, en faveur des coupables, pour leur rendre quelques notions préparatoires du bien qu'ils ont perdu, dont ils sont séparés, dont par conséquent ils ne peuvent plus avoir aucune idée qui puisse les exciter au repentir de leur égarement, ni au désir de l'expier comme il serait indispensable pour satisfaire à la justice divine. Quiconque voudrait mettre des bornes à la miséricorde de Dieu déciderait donc qu'elle n'est pas infinie et se rendrait coupable d'attaquer l'infinité des perfections divines.
Le mal est l'opposition au bien, enfantement de la pensée orgueilleuse
Le mal n'est point un être réel, il est l'opposition au bien, et durera aussi longtemps que cette opposition. Le mal est un enfantement de la pensée orgueilleuse qui l'a conçu et de la volonté mauvaise qui l'a adopté et mis en acte, en s'identifiant avec lui. Le mal est si peu un être réel que si la pensée qui l'a conçu et la volonté qui l'a adopté venait à changer, il serait détruit ; le principe du mal et de tous ses adhérents professeurs du mal réconciliés par l'abjuration entière de leur égarement et par un repentir expiatoire rentreraient dans le règne de l'unité. Mais, dira-t-on, ce retour sur eux-mêmes n'est pas possible. Non certainement il n'est pas possible, car ce retour serait déjà un bien, et, séparés du Bien, ils n'ont et ne peuvent avoir par eux-mêmes aucune notion ni aucune tendance au bien. Toute leur activité s'agite, s'exerce et se concentre dans le mal et pour le mal. Mais c'est là l'œuvre de la miséricorde ; elle peut encore opérer son action en leur faveur par des moyens auxiliaires et proportionnés à sa justice et à leurs besoins, comme elle l'a fait après leur premier crime et comme elle l'a fait en faveur de l'homme après sa chute, pour préparer sa réhabilitation par un repentir expiatoire.
L'univers physique et l'espace universel avec tout ce qu'il contient furent créés à l'instant par la volonté du créateur et opérés par ses agents spirituels préposés et revêtus de tous pouvoirs nécessaires pour être le lieu de l’exil et de punition des esprits rebelles et dans lequel s'exercerait toute la malice de leur action démoniaque
Aussitôt après que la prévarication des esprits rebelles eût été consommée, autant qu'elle pouvait l'être, car il n'était pas en leur pouvoir de réaliser en acte le projet de création d'êtres spirituels qui dépendraient d'eux, avec la folle prétention de se rendre égaux à l'éternel créateur auquel seul appartient la création des êtres spirituels, la justice divine dut les expulser, dut les bannir de sa présence immédiate, et les expulsa à l'instant même de l'immensité divine que le scandale de leur crime venait de souiller. L'univers physique et l'espace universel, avec tout ce qu'il contient, furent créés à l'instant par la volonté du créateur et opérés par ses agents spirituels préposés et revêtus de tous pouvoirs nécessaires pour cela, pour être désormais le lieu de leur exil de leur punition et dans lequel s'exercerait toute la malice de leur action démoniaque. Ils y furent tous précipités, mais leur chef, devenu le principe du mal avec ses principaux adhérents, fut précipité au fond des abîmes d'où il exerce son action perverse sur la multitude de ses agents et adhérents qui sont répandus dans l'espace, et où notre divin médiateur et réconciliateur Jésus Christ, vainqueur par sa mort volontaire de toutes les puissances de l'enfer, l'a lié et enchaîné plus étroitement jusqu'à la consommation des siècles.
L’Homme est émané le sixième jour de la création de l’univers dans l’Immensité Divine et émancipé au centre des quatre régions célestes dénommées Paradis terrestre. L’Homme est établi chef et dominateur de toutes les choses créées et de tous les êtres spirituels bons et mauvais contenus dans l'espace universel
Dans cet état que deviendront ces êtres malheureux ! Devenus incapables d'aucune tendance au bien qu'ils ne connaissent plus, s'agitant sans relâche dans l'élément du Mal qui est devenu le leur propre, ils seront éternellement malheureux si la toute-puissance ne daigne pas leur envoyer quelque secours, mais la justice et la miséricorde marchant toujours de concert s'ébranlent en leur faveur. Lorsque la création de l'univers qui doit être leur prison est opérée au sixième jour, et avant l'acte sabbatique qui l'a terminé, l'homme général, c'est-à-dire la classe des intelligences humaines, est émané de Dieu dans le Cercle de son immensité qui lui est destiné. Celui que nous nommons Adam, Chef de cette classe de nouveaux êtres, est émancipé dans l'espace créé pour venir y manifester la puissance divine comme agent et représentant de la divinité. Il fut placé au centre des quatre régions célestes dénommées Paradis terrestre, que les plus grands géographes ont vainement cherché et ne découvriront jamais sur la surface de la terre, pas plus que les quatre fleuves qui l'arrosaient, place éminente qu'il occuperait encore avec tous les siens s'il était resté fidèle à son créateur, mais dont après son crime il fut expulsé ignominieusement et envoyé ramper matériellement sur la terre. C'est dans ce centre glorieux qu'établi chef et dominateur de toutes les choses créées et de tous les êtres spirituels bons et mauvais contenus dans l'espace universel, il reçut de son créateur le titre d’Homme Dieu de la terre. Destiné à opérer son action dans l'enceinte universelle où tous les êtres sont assujettis à des formes corporelles élémentaires ; Dieu le revêtit d'une forme corporelle, pure, glorieuse et impassible, par laquelle il pouvait à sa volonté manifester son action et la rendre sensible, comme il pouvait aussi la réintégrer en lui et se rendre invisible.
Jésus-Christ est apparu dans son corps glorieux après sa résurrection
Si quelque homme charnel enseveli par l'habitude dans les sens matériels et qui ne voit que matière dans toutes les formes corporelles apparentes voulait douter de la vérité de notre assertion, qu'il réfléchisse attentivement sur les deux corps ou formes corporelles que J.-C. a manifestés sur la terre, l'un pendant sa vie temporelle, et l'autre après sa résurrection : dans le premier et par ce premier il veut se rendre en tout semblable à l'état de l'homme actuel ; il naît d'une vierge pure, mais dans un corps matériel comme les autres, dans lequel il éprouve les mêmes besoins, dans lequel il souffre, meurt et est enseveli. Mais après sa mort, il dépose dans le tombeau ce corps d'emprunt, et veut présenter aux hommes un modèle de ce qu'ils ont été dans leur premier état de ce qu'ils doivent revenir après leur entière et parfaite réconciliation. Il leur apparaît dans une forme corporelle en tout semblable à la première, mais qui entre et qui sort sans besoin d'aucun passage, qui disparaît et se réintègre en lui chaque fois à sa volonté.
Hommes droits, méditez là-dessus et ne craignez pas d'errer en adoptant de tels modèles.
Dieu revêt l’Homme de la puissance quaternaire temporelle afin qu’il exerce son importante mission qui est de ramener les démons auprès de Lui après qu’ils aient reconnu leur égarement
La principale fonction de l'homme émancipé dans l'univers fut de resserrer l'action démoniaque, de la contenir dans les bornes que la justice lui avait assignées, de molester le principe du mal et d'annihiler les résultats de sa perversité, et de le forcer par cette série de contrariétés à reconnaître son infériorité, sa dépendance, la supériorité du Souverain créateur, et par suite de reconnaître son égarement ; de se soumettre à la justice et d'en demander l'expiation dans l'incorporation matérielle qu'il savait lui être destinée. Dieu voulant assurer le succès de l'importante mission de l'homme, et lui faciliter les moyens de la remplir, le revêtit de la puissance quaternaire temporelle qu'il lui confia pour en user suivant ses désirs, mais toujours conformément aux desseins du créateur.
Adam commande à tout l’Univers, terrestre, céleste et sur céleste mais il cède à une pensée d’orgueil
Voulant aussi le convaincre de la grande étendue de puissance qu'il lui confiait, il lui fit connaître les trois grandes parties de la création universelle, et lui dit : J'ai mis en toi le verbe de commandement qui te constitue ma ressemblance ; uses-en pour la gloire de l'éternel et ta propre satisfaction. Commande à la terre et tous ses habitants t'obéiront ; commande aux régions de l'air et tous ses habitants t'obéiront ; commande aussi à toute la création universelle : tous ses habitants bons ou mauvais t'obéiront aussi, et tu reconnaîtras que j'ai tout soumis à ton commandement. Tout fut exécuté ainsi. Après ces Trois Actes, Adam, ébloui par l'éclat d'une si grande puissance qu'il devait rapporter entièrement à celui de qui il l'avait reçue, céda à une pensée d'orgueil et considérant cette puissance comme sienne il se complut en lui-même.
Cette pensée orgueilleuse est utilisée par le Prince des Démons pour séduire Adam
Cette pensée orgueilleuse qui était un commencement de mal fût connue à l'instant même du Prince des Démons qui saisit aussitôt cette occasion d'attaquer l'homme ; il l'aborda astucieusement sous une forme séduisante. Se disant "Envoyé de l'Éternel" et louant beaucoup sa grande puissance dans l'espèce de sommeil spirituel où il le voyait, il lui insinua son intellect démoniaque dont Adam retint malheureusement une profonde impression.
Adam livre sa volonté au démon et opère son quatrième acte qui attire sur lui et tous les siens la juste condamnation divine
Adam avait en lui un Verbe de production de formes glorieuses et impassibles semblables à la sienne, comme l'homme actuel l'a encore pour la reproduction des formes animales passives et matérielles. C'était dans ces formes glorieuses que le Créateur lui avait promis d'envoyer habiter des intelligences humaines lorsqu'il lui en manifesterait le désir ; et c'est ainsi que l'homme aurait eu la satisfaction de voir toute sa postérité émancipée comme lui dans l'enceinte universelle, mise en opposition avec la multitude des esprits démoniaques, et concourir avec lui à leur molestation et au grand but de la miséricorde divine. Cette reproduction de formes glorieuse était l'acte de la puissance quaternaire, et celui pour lequel le créateur qui l'avait dirigé par sa présence dans les trois actes précédents l'avait laissé seul et livré à son seul arbitre pour lui laisser la gloire qui lui en reviendrait ; mais au lieu d'employer les moyens que son créateur avait mis à sa disposition pour reconnaître, repousser et confondre son ennemi, il s'allia avec lui, adopta ses principes et lui livra sa volonté d'après laquelle il opéra son quatrième acte qui attira sur lui et tous les siens la juste condamnation dont il avait été menacé.
Suite à cette séduction de l’Homme par le démon, les voies de retour du démon dans la divinité lui sont retirées
Par cette horrible catastrophe tous les desseins de la miséricorde furent renversés, s'ils ne furent pas entièrement anéantis. Le principe du Mal qui se flatta d'avoir remporté sur Dieu même la fatale victoire qu'il venait de remporter sur l'homme, son image et sa ressemblance chérie, n'en devint que plus insolent, plus obstiné dans la révolte et plus ardent ennemi de Dieu et de l'homme. Le Prince des Démons, devenu plus coupable par ce second crime, se rendit en même temps plus indigne de la miséricorde qui veillait sur lui ; les voies de retour qui lui avaient été ménagées furent retirées ; il resta dès lors et sans doute pour très longtemps livré à sa propre perversité pour perpétuer son supplice.
Dieu prononce un jugement effroyable contre l’homme et contre toute sa postérité : il est condamné à la mort, est expulsé du paradis, précipité dans les entrailles de la terre, revêtu d'un corps de matière comme les autres animaux
La justice de Dieu, justement irritée de l'excès d'ingratitude de l'homme qui venait d'abuser si horriblement de son amour et de ses dons, prononça un jugement effroyable contre lui, et par une suite nécessaire contre toute sa postérité ; il le condamna à la mort dont il l'avait menacé en cas d'infidélité. Il l'expulsa et le chassa ignominieusement du centre glorieux qu'il venait de souiller, et le précipita dans les entrailles de la terre où il fut assujetti à se revêtir d'un corps de matière avec lequel il vint ramper sur la surface avec les autres animaux auxquels il venait de s'assimiler.
L’Homme se repend et Dieu lui accorde un puissant Médiateur et Réparateur pour le réhabiliter et lui rendre la vie éternelle
Dans l'excès de son affliction, et excité par le conseil salutaire d'un député divin qui lui fut envoyé, il réclama la clémence du créateur, reconnut et avoua son crime, et se soumit à l'expiation. La miséricorde accepta son repentir, et le voyant menacé de toute la fureur de son ennemi dont il venait de se rendre l'esclave, le prit sous sa protection pour le préserver des nouveaux dangers auxquels il était livré et pour humilier plus fortement son insolent ennemi ; un puissant Médiateur et Réparateur lui fut promis pour le réhabiliter pendant la durée des temps ; il lui a été effectivement envoyé ; il est venu, et par son sacrifice volontaire expiatoire du crime de l'homme, il a rendu à la vie éternelle tous ceux qui ont voulu et qui voudront jusqu'à la fin des temps reconnaître sa puissante médiation.
Voilà mon B. A. F. les explications que vous m'avez demandées sur l'éternité des peines ; elles m'ont conduites à beaucoup d'autres détails non moins importants pour le développement nécessaire de la sublime doctrine des Grands Profès. Je vous les livre telles qu'elles me sont données. Faites-en l'usage que la prudence, l'amour du Bien et la nature que nos engagements vous permettront.
Réponse à la 2ème question du frère Lajard du 22 mars 1818 ainsi conçue : comment peut-on expliquer sans contradiction le libre arbitre avec la puissance et la prescience divine ?
Les hommes n'opèrent pas librement leur propre volonté, ils ne sont plus libres
Les hommes, même les plus pieux, en étendant hors de mesure par leurs définitions humaines le dogme de la prescience divine et en l'appliquant à tout indéfiniment, sans aucunes restrictions, croient sans doute honorer la divinité ; cependant sans le vouloir, et contrairement à l'intention divine, ils attaquent et détruisent autant qu'il est en leur pouvoir, en dépassant ainsi les limites que le dogme lui-même a posé contre leurs définitions, le libre arbitre de l'homme qui est sa prérogative caractéristique et indestructible, et celle de tous les êtres pensants ; car ces êtres ne peuvent ni mériter, ni démériter que par le bon ou le mauvais usage qu'ils en font ; et si prédominés, comme on voudrait le faire entendre, par la prescience divine, ils n'opèrent pas librement leur propre volonté, ils ne sont plus libres.
Dieu ne peut vouloir le mal, les hommes sont tous libres de suivre sa loi ou de s'en écarter
Dieu est l'être, le seul être nécessaire et de toutes perfections. Il est le bien par essence, et ne peut vouloir le mal. Il n'est donc pas libre de choisir entre le bien et le mal, le bien est sa propre loi, et il étend sa loi sur les êtres émanés de lui, pour les unir à lui par l'amour du bien ; mais ils sont tous libres de suivre sa loi ou de s'en écarter, et cette liberté est en eux une faiblesse et une imperfection puisqu'elle les expose tous sans cesse aux plus grands dangers, jusqu'à ce que chacun d'eux, à l'exemple de l'homme dieu et divin dans le jardin des oliviers, ait fait l'entier sacrifice et l'abandon absolu de sa volonté propre à celle de son créateur, et qu'il ait été accepté. Dieu connaît tout ce qui est, mais malgré l'étendue de sa prescience il ne peut connaître et juger ce qui n'est pas, c'est-à-dire le Néant car le Néant n'est rien. Aussitôt que l'être pensant a conçu une pensée quelconque, cette pensée va frapper le trône de Dieu qui la voit et la juge ; il l'accueille si elle est conforme à sa loi et il la rejette si elle y est contraire ; l'être qui l'a conçue opère ensuite dans les cas journaliers selon sa volonté propre. Dieu connaissant la pensée qui lui est présentée, connaissant aussi les dispositions intérieures du sujet qui l'a conçue et son penchant naturel au bien ou au mal, préjuge par sa prescience divine l'usage qu'il en fera et le prémunit par des insinuations salutaires qui ne contraignent point sa liberté contre le danger dont il est menacé ; c'est ce qui établit ce combat intérieur, cet état d'hésitation de l'esprit que tous les hommes éprouvent si souvent ; c'est un effet de la grâce de Dieu qui ne contrarie point le libre arbitre et ne tend qu'à lui donner une plus heureuse direction. Nous ne parlons point ici de ces coups de grâces particuliers qui terrassent comme le fut Saint Paul, qui subjuguent et entraînent la volonté ; on doit sentir que ce sont des cas d'exception à la règle générale.
La prescience divine ne contrarie pas le libre arbitre de l’homme
Cette prescience divine, dont les effets sont en général si salutaires à l'homme, ne détruit donc point, ne contrarie même point son libre arbitre qui lui reste toujours entier avec l'honneur et la satisfaction d'en faire un bon usage. Elle contribue même beaucoup en le soutenant dans les combats journaliers auxquels il est exposé pendant sa course temporelle, au bonheur et au triomphe que la persévérance dans le bon usage qu'il en aura fait doit à la fin lui procurer.
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