Jean-Baptiste Willermoz - 9 Cahiers de Doctrine - Cahier numéro 7
DE LA PREVARICATION DE L'ARCHANGE LUCIFER DEVENU SATAN PRINCIPE DU MAL ET DE SES ADHERENTS DANS L'IMMENSITE DIVINE
L’archange nommé Lucifer, Chef principal du Cercle des esprits septénaires formant la troisième classe dans la hiérarchie spirituelle conçut dans sa pensée le dessein de se rendre égal à Dieu, et le créateur d'autres êtres spirituels
Dieu ayant émancipé et rendu à leur libre arbitre les êtres spirituels premiers émanés, afin qu'ils puissent opérer librement suivant leur volonté propre, l'archange nommé Lucifer (son nom seul annonce sa grande élévation), le Chef principal du Cercle des esprits septénaires formant la troisième classe dans la hiérarchie spirituelle, ébloui de la grande puissance dont il se voyait revêtu, et lisant comme pur esprit dans l'action divine créatrice qui opère les émanations spirituelles, conçut dans sa pensée le dessein de se rendre égal à Dieu, et le créateur d'autres êtres spirituels, qui créés par lui seraient dans sa dépendance, comme il se sentait lui-même dans celle du créateur divin.
Cette pensée orgueilleuse bientôt fortifiée par l'acquiescement de sa volonté qui consomma sa rébellion autant qu'elle pouvait l'être (car il n'était pas en son pouvoir de réaliser en acte le dessein de sa pensée et de sa volonté, Dieu étant le seul, l'unique Créateur des êtres) fut bientôt connue, examinée et jugée par tous les êtres spirituels habitant l'immensité divine, vu la faculté innée dans les purs esprits qui ne sont enveloppés d'aucune forme corporelle de pouvoir lire avec évidence les uns dans les autres.
Le plus grand nombre des habitants des quatre cercles, et principalement tous ceux des deux cercles supérieurs (10 et 8) rejetèrent la pensée de Lucifer mais une plus grande partie des êtres des deux cercles inférieurs (7 et 3), adoptant la pensée de Lucifer, unirent leur volonté à la sienne
Le plus grand nombre des habitants des quatre cercles, et principalement tous ceux des deux cercles supérieurs, ainsi qu'une partie des deux cercles inférieurs, effrayés et indignés de l'audace perturbatrice de Lucifer repoussèrent avec horreur sa pensée criminelle, et restèrent invariablement attachés à la loi divine, en abjurant leur volonté propre, en l'abandonnant entièrement à celle du créateur, qui en accepte l'hommage, et par cette acceptation opéra leur éternelle sanctification.
Mais une plus grande partie des êtres des deux cercles inférieurs, adoptant la pensée de Lucifer, unirent leur volonté à la sienne, se déclarèrent ses adhérents, et se lièrent à lui pour soutenir son entreprise.
L’origine du Mal, fruit de l'orgueil
Telle fut l'origine du Mal, il fut une opposition formelle, un outrage fait volontairement aux lois, aux préceptes et commandements que le créateur avait donné à sa créature, pour lui être un frein puissant contre tout usage désordonné et contre tout abus possible de ses facultés.
Cependant les hommes d'aujourd'hui ont souvent l'injustice d'accuser Dieu d'être indirectement l'auteur du mal, prétendant qu'il aurait pu s'il eût voulu, prévenir la pensée de l'esprit prévaricateur et en arrêter les effets ; comme si Dieu qui, en prévoyant la possibilité de l'abus qu'il en pouvait faire, l'avait fortement prémuni contre ce danger, avait pu lire en lui-même la pensée mauvaise qui n'était pas encore conçue, ni encore moins arrêter l'action de sa volonté, sans détruire sa liberté qui était l'apanage de son être, comme il est celui de tout être qui n'est pas Dieu.
Le mal, fruit de l'orgueil n'est point un être réel ; il est enfanté par l'esprit et non créé, car toute création n'appartient qu'au seul créateur divin, et non à aucune créature. Les pensées mauvaises sont enfantées par l'esprit mauvais, comme les pensées bonnes sont enfantées par l'esprit bon. Ces pensées bonnes ou mauvaises vont se faire entendre directement au créateur qui les reçoit ou les condamne, et le mal est consommé lorsque la volonté de l'esprit a adopté la mauvaise pensée qu'il a conçue.
Il ne faut pas croire cependant que l'esprit qui a enfanté le Mal, qui est devenu le principe du Mal, soit le mal même : car si les Démons changeaient leur volonté mauvaise, leur action mauvaise changerait aussi, et dès cet instant, il ne serait plus question de Mal dans toute l'étendue de cet univers. Cela ne peut arriver dira-t-on parce que Dieu, immuable dans ses décrets, a condamné à la privation éternelle et à des châtiments infinis ceux qui ont enfanté le Mal. Le créateur, il est vrai, a condamné les professeurs du Mal à une privation éternelle ; mais au centre de la manifestation de sa justice sur ses créatures coupables, il s'est nommé lui-même père de miséricorde sans bornes. Eh ! quel est le téméraire assez prévenu en faveur de son propre sens sur quoique ce soit qu'il le fonde qui osera mettre aucune borne à cette miséricorde qui se dit infinie ? Et la création de l'homme placé au centre de l'univers créé avec la mission d'amener au repentir les premiers coupables comme nous le verrons bientôt, ne fut-elle pas déjà un grand acte de la divine miséricorde en leur faveur.
Le Scandale et le désordre qui éclatèrent dans la cour divine par l'effet de leur prévarication furent d'autant plus grand que le genre de cette prévarication était plus monstrueuse car le chef des rebelles ébloui de la grande puissance et enflé d'orgueil avait osé attaquer le Souverain, l'unique et l'éternel créateur dans son unité divine, et dans son éternité. Dans son unité, en voulant le diviser, en voulant se rendre égal à Dieu et le créateur d'autres êtres spirituels qui dépendraient de lui : dans son éternité, en se considérant Dieu, comme un être qui avait commencé, qui avait été émané d'un autre principe plus ancien et plus puissant, et dont il dépendait à son tour.
Tel fut le premier crime de l'archange prévaricateur et de ses adhérents, nous disons le premier crime, parce que celui-là fut bientôt aggravé par d'autres, ainsi que nous le verrons, par lesquels ils épuisèrent tous les moyens de retour que la miséricorde de Dieu leur avait ménagé, en les accablant du poids de sa justice et de sa puissance, par lesquels enfin ils consommèrent leur réprobation éternelle.
Car les efforts astucieux que fit ensuite leur chef comme nous le verrons en son lieu, pour tromper, séduire et entraîner dans la rébellion, l'homme, cette image et ressemblance privilégiée de son créateur, se flattant par orgueil d'avoir, par cette victoire sur son image chérie, triomphé de Dieu même furent bien un nouveau crime qui dût aggraver, et aggrave en effet leur châtiment en le rendant éternel.
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