Papus, le propagateur du Martinisme
Une chaîne informelle (dont les principaux maillons sont connus, malgré quelques liaisons absentes) semble avoir acheminé la philosophie saint-martinienne jusqu’à Papus à partir de 1891.
Papus (docteur Gérard Encausse) était né en 1865 à La Corogne (en Espagne) mais ses parents s’étant très vite après sa naissance installés à Paris, on peut dire que notre héros fut un Parisien qui, jeune homme et étudiant en médecine, fréquenta de la capitale tous les lieux fréquentables et même… les autres. Curieux de tout, doté d’un appétit jamais apaisé pour toutes les connaissances humaines, doué d’une intelligence synthétique, d’une mémoire et d’une facilité de parole peu communes, Papus devint vite le pivot et l’âme de la renaissance traditionnelle qui vit le jour à la charnière des 19ème et 20ème siècles. Ses qualités lui valurent l’honneur de devenir le dépositaire de la pensée saint-martinienne et, à travers elle, de celle de Jacob Boehme et du rosicrucianisme primitif. Cette filiation de Philosophe Inconnu lui fut transmise par Henri Delaage ; une autre voie issue de Saint-Martin avait simultanément abouti à Augustin Chaboseau. Les deux récipiendaires se rencontrèrent, échangèrent leurs initiations, et Papus, toujours entreprenant, mit sur pied un «Suprême Conseil» qui réunit, outre ces deux protagonistes : Stanislas de Guaita, Charles Détré, Péladan, Maurice Barrès, et quelques autres. Ainsi, le premier Ordre Martiniste était né.
Papus se mit sans tarder en devoir d’écrire des rituels pour les cérémonies et les réceptions de nouveaux membres. Il faut reconnaître, en toute honnêteté, que ces rituels comme l’organisation hiérarchique des grades furent quelque peu décalqués des usages maçonniques. Papus ne cessait de reprocher aux frères maçons de son époque leur détachement vis-à-vis de la tradition initiatique qui devait être la leur et, sans doute, son esprit effleurait-il l’idée de créer une espèce de maçonnerie traditionnelle, chrétienne et gnostique. Bien sûr, il n’y eut jamais de relation administrative entre la franc-maçonnerie et le martinisme, hormis le fait que certaines loges maçonniques (particulièrement celles du Régime Écossais Rectifié) se réclament de l’esprit martiniste et cultivent dans leurs travaux cette tradition.
Papus était prosélyte dans l’âme. Aussi, ne doit-on pas s’étonner d’apprendre, de-ci, de-là, que quelques personnages en vue du Paris des années 1900 à 1913 ont pu être martinistes bien que ne figurant sur aucun rôle ni sur aucune matricule de l’Ordre. Papus sortait beaucoup, donnait de multiples conférences et ses ouvrages étaient connus et prisés. Quand on connaît beaucoup de monde, on a forcément des amis et, quand on a une foi inébranlable dans le bien-fondé de l’œuvre qu’on accomplit et que l’on jouit d’une aura exceptionnelle, on fait inévitablement des adeptes. On connaît également quelle fut son action dans la Russie du dernier tsar auquel il rendit visite deux fois et qui le tenait en grande estime.
1914, l’Europe tremble et il n’est plus guère de temps pour les conférences philosophiques. Papus est mobilisé en qualité de médecin. Deux ans plus tard, le 25 octobre 1916, il meurt des suites d’une pneumonie contractée à la guerre.
Charles Détré (alias Téder) lui succède à la tête de l’Ordre Martiniste mais deux années plus tard le voilà qui disparaît à son tour. L’Ordre est dispersé : sous la houlette de Jean Bricaud, patriarche de l’Église Gnostique Universelle, une partie émigre vers Lyon (la capitale des Gaules lourdement chargée en ésotérisme et en magie). En 1934, c’est Constant Chevillon qui lui succède à son tour. Indépendamment de cette succession, d’autres ordres martinistes se sont créés : l’Ordre Martiniste et Synarchique (OMS) de Victor Blanchard dont le siège actuel se trouve en Angleterre, l’Ordre Martiniste Traditionnel (OMT) souché sur l’AMORC, l’Ordre Martiniste Initiatique (OMI) fondé par Robert Ambelain dans les années 70 et souché sur la maçonnerie de Memphis-Misraïm.
En 1953, le docteur Philippe Encausse (fils de Papus, Philippe Encausse, né en 1906, n’avait que dix ans à la mort de son père) réveille la revue «L’Initiation» fondée en 1888 par Papus et, l’année suivante, il fonde une loge maçonnique (du nom de Papus) à la Grande Loge de France, loge destinée à recevoir des martinistes. En 1960, il reçoit d’Henry Dupont une charte l’instituant Grand Maître de l’Ordre Martiniste. Il dirigera l’Ordre avec une ferveur et une disponibilité uniques. En 1979, se trouvant fatigué et étant devenu presque aveugle, il remettra ses prérogatives à un successeur. Une scission s’ensuivra qui donnera le jour à l’Ordre Martiniste Libre (OML) lequel subira à son tour une scission qui donnera naissance à l’Ordre Martiniste des Supérieurs Inconnus (OMSI).
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